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Bon article de FR 3 Région sur l’épuisement parental toujours tabou. Car si les conseils des proches, recettes Youtube, injonctions d’être un bon parent bientraitant, compétences parentales estampillées officielles, voir sanctions face à la maltraitance, sont mis en avant, la solitude, le doute et la culpabilité de mal faire restent dans l’intimité….

Burn-out parental : quand s’occuper de ses enfants devient une souffrance

Comme le burn out professionnel, en France, ce trouble n’est pas reconnu comme une maladie. Faute de formation suffisante du corps médical, ce mal-être est encore difficilement diagnostiqué. Et les parents se retrouvent trop souvent isolés dans ce tourment.
Publié le 27/09/2021 à 15h54.  Mis à jour le 27/09/2021 à 16h10. France 3 Région. Normandie


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Jeanne a accepté de témoigner de manière anonyme par peur du jugement • © FTV
« J’avais rêvé une sortie merveilleuse au restaurant pour mon fils » se souvient Jeanne, aujourd’hui âgée de 38 ans. « Mais à 2 ans et demi, le repas s’est avéré beaucoup trop long pour lui. Il était fatigué et a beaucoup pleuré. Voyant mon fils dans cet état, la gérante de l’établissement lui a dit : s’il te plaît arrête de pleurer. Ta maman est fatiguée, ça se voit. Le fait que cette remarque, pourtant bienveillante, vienne de quelqu’un d’extérieur a été le déclencheur ».
A bout, Jeanne se saisit alors de son téléphone et appelle son mari à l’aide. « Je lui ai dit : tu as trente minutes pour arriver ici, sinon c’est moi ou ton fils sous les roues du bus. Cette sortie qui s’est transformée en catastrophe a été la goutte d’eau pour moi. J’ai ressenti beaucoup de culpabilité de ne pas avoir réussi à gérer ma vie de famille. Comment avais-je pu en arriver là, avec un petit bout, qui n’a rien demandé à personne ? »

Un épuisement physique et moral
Car si Jeanne dit « avoir pété les plombs » ce jour-là, le mal-être qu’elle ressent s’est installé progressivement. Après un accouchement difficile, elle rentre chez elle, un peu démunie, comme beaucoup de jeunes parents de retour de la maternité. « On idéalise une vie de famille mais un enfant pleure, ne fait pas ses nuits, demande de l’attention. A un moment, quand on ne dort plus depuis deux ans et demi, on n’arrive plus à encaisser ce qui arrive. La cocotte-minute monte. » Et l’épuisement s’installe.
 
Le burn-out parental diffère de la seule fatigue inhérente à la vie de parents • © FTV / Jonatahan Pasqué
Bien sûr, Jeanne le dit : il y a eu des moments heureux, des activités en famille. Mais, aussi des sorties où son fils et elle pleurent.
« Je voyais les autres parents et je me disais qu’ils y arrivaient et pas moi. Je me sous-estimais. Sans doute, que je mettais la barre un peu haut. J’avais le sentiment d’être incapable dans mon rôle de mère. »
Jeanne, passée par le burn-out parental
 
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Se taire par peur d’être jugé
De sa souffrance, cette mère de famille ne dit rien à son entourage, excepté à son mari. Ni sa famille, ni ses amis ne sont au courant du mal-être dans lequel elle sombre peu à peu. Un isolement courant dans cette situation. Par peur du regard des autres, par crainte d’être étiqueté mauvais parent, le sujet reste tabou.
« Être parent et être en difficulté, cela nous arrive à tous » affirme Gladys Rauwel, accompagnatrice en parentalité et formatrice. « Et pourtant, en général, nous n’en parlons pas, ou alors sur le ton de la plaisanterie pour évincer très vite le sujet. »
Parfois, dans la vie d’un parent, les difficultés s’accumulent. La tempête devient très forte et on n’a plus de moment de pause. On peut alors basculer dans le burn-out parental et les conséquences peuvent être très graves. 
Car contrairement au burn-out professionnel qui repose sur un mécanisme psychique similaire, impossible pour une mère ou un père de quitter ses enfants. « L’un des risques c’est la maltraitance » confie la professionnelle.

Au-delà de la seule fatigue
Faire les courses, préparer les repas, veiller l’enfant qui ne fait pas ses nuits, accompagner aux activités…tous les parents ont un jour traversé une période de fatigue. « L’idée c’est alors de pouvoir se reposer, faire une activité agréable pour se requinquer et reprendre plaisir à s’occuper des enfants » conseille Galdys Rauwel. « Mais dans le cas d’un burn-out, le repos ne suffit pas. Un sentiment de détachement affectif vis-à-vis de l’enfant s’installe. Ça ajoute à la culpabilité que le parent ressent déjà de ne plus avoir envie de s’occuper de lui. Ça enferme la mère ou le père ».
L’épuisement parental est aussi différent de la dépression car la perte d’envie concerne précisément ce qui relève de la parentalité. Un père ou une mère en burn-out pourra par exemple être ravi d’aller travailler.

Pas de profil type
Les données scientifiques sont rares sur l’épuisement parental. En Belgique, en 2015, Isabelle Roskam et Moïra Mikolajczak, toutes deux docteures en psychologie et professeures à l’Université de Louvain, lancent une vaste enquête auprès de 17 000 parents, dans quarante-deux pays du monde.
D’après leurs recherches, la prévalence du burn-out parental est très variable d’un état à l’autre. Elle est quasi inexistante en Thaïlande ou en Turquie, mais grimpe à 8 % en Belgique, aux Etats-Unis et en Pologne, les pays les plus touchés. D’après cette étude, les Français se situent dans la fourchette haute, avec 5,5 % de personnes souffrant de ce syndrome.
Les facteurs culturels expliqueraient en partie ces écarts. Là, où l’éducation des enfants se fait de manière assez isolée, la prévalence est plus élevée, à l’inverse des pays où elle relève d’une activité plus collective.
L’âge du parent, le nombre d’enfants ne semblent pas avoir d’impact mais, les femmes restent plus touchées que les hommes.

Ne pas rester seul
Lorsque son mari les rejoint elle et son fils après la sortie au restaurant, Jeanne se souvient : « Il a été très bienveillant. Il m’a demandé ce dont j’avais besoin. Je lui ai répondu qu’il fallait que je consulte et que j’avais besoin de dormir ». La jeune maman se rend à l’hôpital où elle est prise en charge par un psychiatre. « Le médecin m’a rassuré dans mon rôle de mère et m’a dit que c’était tout à fait normal d’en arriver là »
Pendant deux semaines, elle reviendra autant de fois qu’elle le souhaite pour parler. Des somnifères l’aideront à mieux se reposer. Une prise en charge qui permet à Jeanne d’aller mieux. « Nous avons pris la décision avec mon mari de nous parler encore plus et d’apprendre à lâcher prise. Nous avons appris à oser demander de l’aide, qu’on nous garde notre fils par exemple pour que l’on puisse prendre du temps pour nous. Et aussi du temps pour mon mari en tant qu’homme et moi en tant que femme » détaille Jeanne.
En France, comparativement à d’autres pays européens comme la Belgique ou l’Allemagne, le diagnostic de burn-out parental reste encore trop rare. D’après Gladys Rauwel, le manque de formation est criant : « Avant d’être accompagnatrice en parentalité, j’ai été travailleuse sociale. Je n’ai jamais eu de formation sur cette question. Beaucoup de médecins généralistes pensent que cela relève de la psychiatrie. Il faut donc avoir la chance de trouver des professionnels bienveillants ». D’autres solutions existent pour ne pas rester seul : « Il ne faut pas hésiter à pousser la porte d’un groupe de paroles de parents ou d’espaces de soutien à la parentalité. Il y en a un peu partout sur le territoire ».
Aujourd’hui, Jeanne se sent mieux. Elle est maman d’une petite fille. « Pendant longtemps, nous ne voulions pas de deuxième enfant. Cela me semblait insurmontable. Et puis mademoiselle est arrivée. Et tout va bien. Je me dis que certaines choses peuvent attendre demain. J’apprends à relativiser » conclut la trentenaire, le sourire aux lèvres.




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