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Entre culpabilité et éducation non violente, déresponsabilisation et diktat des modes éducatives, les parents sont voués à être de mauvais parents, incapables de suivent les bonnes pratiques estampillées scientifiques.

Bien sûr, il a été indispensable de se défaire des méthodes éducatives d’antan ( fessées, gifles, brimades,…)… Et elles collent encore bien à nos chaussures ! Pour preuve, la France a interdit les violences ordinaires, et par là les châtiments corporels, par une loi en …2019 ! Bien après les nombreux rappels du Conseil de l’Europe…et sa signature des droits de l’enfant en 1989.

Reste que cette interdiction devait s’accompagner de préconisations de formes positives, non violentes, de discipline, en particulier dans la famille ou à l’école. Avec la « pédopostérothérapie » ( technique du coup de pied au cul), on savait comment faire. Mais maintenant….

Et puis l’absence de violence s’est souvent traduite par absence de limite. Pour ne pas traumatiser, ne pas refréner, de pas empêcher les potentiels de s’exprimer librement….. Il faut alors tout expliquer, permettre pour ne pas frustrer,… Parce que la frustration, c’est mal…(et accessoirement, ça ne fait pas des consommateurs compulsifs).

Comment être contre l’idée d’une éducation positive et non violente ? Evidemment non. Mais ça n’a pas que des avantages. Le premier inconvénient étant la pression sur les parents, incapables dans le quotidien d’être dans une telle perfection théorique.

Voici un texte de Béatrice Kammerer de 2015 sur le diktat de la norme éducative :

France / Parents & enfants

L’Education «positive» n’est pas aussi positive qu’on croit

Béatrice Kammerer — 25 juillet 2015

Elle contribue notamment à culpabiliser davantage les parents. Qui, franchement, n’étaient pas en reste sur ce terrain-là.

L’éducation «positive» –qui consisterait à repenser les relations parent-enfant dans une perspective gagnant-gagnant– est partout: elle inonde la presse parentale, des blogs entiers et des milliers de pages de forums lui sont consacrée, les livres qui y font référence se vendent par poussettes entières –J’ai tout essayé, de la psychothérapeute Isabelle Filliozat s’est vendu par exemple à plus de 62.000 exemplaires–les conférenciers qui s’y réfèrent déplacent des foules. Encore confidentielle il y a 10 ans, elle est devenue aujourd’hui à ce point incontournable que le Conseil de l’Europe la considère comme l’approche éducative la plus à même de respecter les Droits de l’Enfant et a entrepris de diffuser une plaquette pour la populariser

Du statut d’alternative éducative, elle semble s’être érigée au rang de norme voire, comme le titrait récemment Libération, de «dogme».

Un concept flou

De l’avis général, le terme «positif» est assez intuitif: Dire qu’on pratique la parentalité «positive» c’est plutôt chouette (beaucoup plus chouette en tout cas que de se revendiquer de la parentalité négative !

Il s’agirait d’une invitation à une parentalité joyeuse, qui verrait toujours le verre à moitié plein du chocolat chaud répandu sur le sol de la cuisine, des murs crayonnés au stylo indélébile, et des nuits passées à la moulinette des terreurs nocturnes; et qui répondrait aux tracas du quotidien par une créativité sans faille conduisant à improviser un bain-repas, détourner en jeu le pénible rangement des 4534 pièces du Lego, ou encore organiser un mini-tribunal pour régler cette fâcheuse histoire de morsure fraternelle intempestive.

Pour autant, s’en tenir à cette signification intuitive pourrait bien être réducteur, surtout devant la difficulté des spécialistes à formuler une définition simple de la parentalité positive. Or le terme «positif», renvoie en français à bien d’autres significations: il peut s’entendre en opposition à «naturel» (comme c’est le cas lorsqu’on évoque la «loi positive»), opposerait-on alors une parentalité instinctive et soumise aux lois de la nature, à une nouvelle forme de parentalité «positive», plus consciente, construite et normée?

Le terme peut également s’entendre au sens du positivisme scientifique d’Auguste Comte pour qui il s’agit d’expurger les croyances au profit de la connaissance scientifique, le projet serait-il alors de construire scientifiquement les normes d’une «bonne» parentalité?

Influences idéologiques

Ces significations semblent prendre un sens au travers des trois influences idéologiques majeures de la parentalité positive.

Principale influence, la Communication Non Violente (CNV), méthode de communication élaborée par le psychologue Marshall B. Rosenberg dans le courant des années 70. Cette approche vise le développement chez les individus de capacités de communication et d’empathie permettant d’exprimer leurs besoins et sentiments sans exercer de violence sur leurs interlocuteurs, et ainsi de minimiser les conflits. De nombreux autres auteurs tels que le psychologue Thomas Gordon à l’origine de la méthode de communication gagnant-gagnant, l’enseignant et psychologue Haïm Ginott pour qui l’empathie doit être à la base de la communication parent-enfant et qui a inspiré le travail de Elaine Faber et Adele Mazlish, les auteures du best-seller Parents épanouis, enfants épanouis, ou encore le thérapeute Thomas d’Ansembourg qui a contribué à populariser la CNV dans un cadre plus large que la relation parent-enfant, s’y rattachent aujourd’hui, plus ou moins explicitement.

La deuxième influence est celle des neurosciences, au développement exponentiel depuis la démocratisation de l’IRM au cours des années 90 dont les résultats sur le fonctionnement du cerveau permettent d’ancrer scientifiquement les hypothèses psychologiques de la CNV. Des auteurs tels que Olivier Maurel militant contre les violences éducatives ordinaires, Catherine Dumonteil Kremer, fondatrice de la revue d’éducation positive PEPS, la pédiatre Catherine Guéguen ou la thérapeute Isabelle Filliozat, expriment particulièrement ce courant.

Enfin, la troisième influence est celle de la centration sur l’enfant, influence présente en France de longue date au travers de la Pédagogie Nouvelle, et implantée au coeur même du système éducatif par la loi d’orientation Jospin en 1989.

Ainsi outillée par la psychologie, légitimée par la science, cohérente avec le modèle éducatif en vogue, promettant même de résoudre le conflit générationnel opposant l’autoritarisme traditionnaliste à l’enfant-roi post-soixantuitard, l’éducation positive était vouée au succès.

L’éducation positive est-elle dogmatique?

La psychanalyse, qui a été tout au long du XXè siècle l’influence majeure des théories éducatives, a très souvent été accusée de dogmatisme; la parentalité positive semble aujourd’hui lui succéder.

Remettre en question la parentalité positive, c’est comme dire qu’on est contre la paix, que l’amitié c’est pourri, que l’honneteté devrait être interdite

La parentalité positive semble ne pas pouvoir être remise en question car elle promeut le «meilleur» pour son enfant. Remettre en question la parentalité positive, c’est comme dire qu’on est contre la paix, que l’amitié c’est pourri, que l’honneteté devrait être interdite. Qui pourrait décemment refuser d’oeuvrer pour que son enfant se construise et s’épanouisse sans violence, dans le respect de ses émotions, et de ses aspirations profondes; pour qu’il trouve sa place dans sa famille et la société sereinement? En fait, la parentalité positive ne peut pas être remise en question car elle érige le parent parfait en modèle.

Les plupart des parents ont pu faire l’expérience: à la course au parent parfait, tout le monde perd. On est jamais «assez». Combien de fois entend-on ces parents (ces mères souvent) s’accuser d’être «nulles», «en carton pâte», «en dessous de tout», pour avoir lâché un trop sonore «J’en ai MARRRRREEE de ta chambre en pagaille» au lieu du plus policé:

«Quand je vois le sol de ta chambre recouvert de jouets, je me sens contrariée et découragée parce que mon besoin d’ordre n’est pas satisfait, pourrait-on discuter afin de trouver une solution qui respecte ton besoin de jouer?».

La parentalité positive promeut une vision du verre-à-moitié-plein des difficultés qu’on rencontre quotidiennement avec son enfant mais propose souvent une vision du verre-à-moitié-vide de la capacité parentale: on n’est plus le «parent suffisamment bon» qui chemine pour devenir encore meilleur, on est juste celui qui a infligé une décharge de cortisol –l’hormone du stress– inutile à son bébé en pleurs, celui qui a ruiné la certitude de notre amour inconditionnel de son enfant par un «je n’ai pas le temps, j’ai du travail», celui qui a promu la dépendance à la validation de l’adulte par un «c’est beau, c’est bien» à la réception d’un dessin. Bref, bien souvent si on est pas 100% parent positif, on est juste 100% nul.

Vers une transformation sociale

Une des hypothèse de la parentalité positive est que nous avons reçu des générations précédentes des habitudes éducatives nocives dont il convient de nous défaire pour qu’à leur tour nos enfants puissent transmettre à leurs enfants de nouvelles habitudes éducatives «positives». A ce titre, remettre en cause la parentalité positive ne peut être que le signe de notre déni face aux comportements toxiques que nous incarnons malgré nous du fait de cet héritage.

Si notre héritage éducatif est sans aucun doute à critiquer, du fait de son âgisme (domination des adultes sur les enfants), de son sexisme, ou encore du fait de son attachement aux punitions et récompenses, cette vision en fait, au même titre que la psychanalyse en son temps, un élément de plus de constitution d’un dogme.

Une discipline de spécialistes

Comme la parentalité positive s’ancre profondément dans les savoirs en psychologie, en pédagogie et en neurosciences, les parents ne se sentent pas (et ne sont pas toujours) assez outillés pour soulever les biais d’une étude, disons, sur la sécrétion du cortisol chez le bébé, ou sur les mécanismes de la construction de l’estime de soi.

Sans compter que la plupart des ouvrages de «parentalité positive» ne citent pas leurs sources, et se contentent d’avancer «qu’une étude américaine a dit ci», ou que «les chercheurs ont découvert ça», sans prendre le temps de dire que cette étude portait sur un échantillon ridiculement faible, que telle autre a été contredite quelques années après, ou que telle autre encore tentait d’extrapoler des résultats obtenus dans un tube d’IRM à une situation sociale «réelle». Parmi les auteurs des best-sellers en éducation positive, seule Catherine Guéguen propose à ses lecteurs les références complètes des études scientifiques auxquelles elle fait référence.

Ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain

L’éducation parentale est un problème très ancien: depuis 150 ans environ, époque à laquelle on a découvert l’ampleur de la mortalité infantile, les pouvoirs publics n’ont cessé de se demander comment agir pour faire assimiler aux parents les dernières découvertes scientifiques.

Jusqu’où est-il question de soutenir les parents, de les aider, de leur apporter des ressources et à partir de quand est-il question de les contrôler

150 ans après, les préoccupations sociales se sont déplacées (la survie des enfants étant un problème majoritairement réglé dans les pays occidentaux, on s’y inquiète aujourd’hui davantage de leur potentiel avenir de délinquant) mais un problème central est resté: celui de savoir jusqu’où il est question de soutenir les parents, de les aider, de leur apporter des ressources et à partir de quand il est question de les contrôler et d’imposer une norme éducative.

D’un côté, des pouvoirs publics cherchent à optimiser l’éducation parentale (parce que c’est coûteux et parce qu’il en va de l’intérêt supérieur de l’enfant), et de l’autre des parents démunis demandent des outils éducatifs simples, rapidement utilisables, des modes d’emploi éducatifs. Tous les éléments sont ici réunis pour qu’une théorie psychologique, aussi utopiste, aussi respectueuse de l’individu, aussi riche soit-elle se transforme en une norme éducative plongeant les hordes de parents épuisés dans la culpabilité et le sentiment d’incompétence.

La Communication Non Violente est une proposition psychologique et philosophique complexe, nourrie de nombreuses influences (qui vont de la psychologie de Carl Rogers à la philosophie indienne de Krishnamurti) qui tente de réfléchir à la possibilité de construire un monde plus doux pour tous (et non pas que pour les enfants) dans lequel chacun puisse avoir une place, se repecter, être reconnu dans ses besoins et ses aspirations profondes, sans jugement ni agressivité.

De même les neurosciences sont un ensemble dynamique et pluridisciplinaire de sciences qui ont révolutionné ces dernières décennies notre représentation de la pensée, et qui rendent chaque jour d’immenses services dans des domaines aussi variés que la médecine, la psychologie, l’éducation, la physiologie, etc. En tant que sciences, elles se prêtent à la critique, travaillent sur leurs limites et tentent non pas de dire le «vrai» mais de modéliser la réalité pour nous permettre de la transformer.

Autant de nuances que la vulgarisation hâtive et dogmatique que propose actuellement majoritairement la «parentalité positive» ne permet pas aux parents d’appréhender. Il serait temps de renouveler le regard porté sur cette génération de parents dans l’immense majorité soucieux du bien être de leur enfant, dans l’immense majorité en recherche d’informations, prêts à se remettre en question et à évoluer. Afin de troquer le désir de contrôle contre l’empowerment.

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